
Fouilles archéologiques sur le site de Timna - mines du roi Salomon.
Les mines du roi Salomon sont mythiques car elles auraient permis au royaume d’Israël de l’époque d’acquérir un fantastique trésor d’or et d’argent. La réalité est sans doute toute autre, comme le rappellent les archéologues qui ont mis en évidence un réseau de mines très important dans le proche royaume d’Edom. Ce ne sont cependant pas des mines d’or, ni de diamants …
Le roi Salomon

Le roi Salomon régna sur le royaume d’Israël il y a 3000 ans (970 à 931 avant notre ère). Il était le fils du roi David, plutôt belliqueux envers ses voisins. Selon les récits bibliques, le roi David fut souvent en guerre en particulier contre les Edomites, une tribu semi-nomade dans un royaume situé au Sud du royaume d’Israël. Par comparaison, le roi Salomon a laissé dans l’histoire l’image d’un souverain très puissant, pacifique, d’une grande sagesse et immensément riche. Les historiens ont longtemps pensé que sa fortune était issue d’or et d’argent. En effet, l’histoire raconte qu’il aurait fait recouvrir d’or le temple de Jehovah situé à Jérusalem alors capitale de son royaume. Le roi Salomon aurait eu une influence bien au-delà des frontières de son royaume.
Les mines de diamant du roi Salomon

Le roman « Les mines du roi Salomon » (King Solomon’s Mines), de l’écrivain britannique Henry Rider Haggard et paru en 1885, popularisa la légende du roi Salomon et de son immense fortune issue de mines de diamants d’après l’auteur. C’est le premier roman de fiction britannique dont la trame se situe en Afrique, alors terre d’exploration et de conquêtes pour l’Europe, et qui connut un grand succès avec le personnage de l’explorateur Allan Quatermain. Plusieurs films (1937, 1950, 1985) ont été tirés du roman dont le dernier qui parodie Indiana Jones avec dans la distribution Richard Chamberlain et Sharon Stone, alors jeune actrice débutante.
Les mines de Timna

D’importantes fouilles archéologiques ont été réalisées depuis 1964 près de Timna, actuellement dans l’extrême sud de l’Israël actuel, à 320 km de Jérusalem dans une zone désertique. Ces fouilles ont révélés des milliers de mines de cuivre exploitées et de centaines de zone de fonderies en service au cours des siècles à l’époque antique sur une zone de près de 50 km2. Ces mines étaient auparavant attribuées aux Égyptiens du XIIIe siècle avant notre ère. Mais grâce à des datations au carbone 14, à partir de 2013, des archéologues de l’université de Tel Aviv ont découvert que ces mines étaient près de trois siècles plus récentes que prévues, plaçant l’apogée de leur production durant le règne du roi Salomon, dix siècles avant notre ère. Dans les scories de cuivre, les archéologues ont retrouvés de la matière organique très bien conservée (tissus, restes alimentaires) du fait du taux d’humidité très réduite de la région. Ces restes ont permis d’en savoir plus sur la population qui exploitait ces mines.
La colline des esclaves

Une dizaine de camp d’ouvriers ont été retrouvés dont l’un d’entre eux, bien préservé, ceinturé d’un mur. Les historiens ont d’abord cru que ce mur permettait d’y retenir des esclaves prisonniers et contraints d’aller creuser au burin dans les mines de cuivre, dans des galeries à 40 mètres de profondeur pour certaines, travail très pénible. Mais les résidus de matière organique trouvés avec les scories laissent penser à un tout autre scenario. En effet, il a été mis en évidence, près des scories, des fils de tissu, qui reconstitués ensemble, prouvent que les habitants de cette colline étaient sans doute forts bien habillés. Les restes de nourriture trouvés à cet endroit (blé, orge, noyaux d’olives, dates, os, dents et arrêtes de poisson, …) constituent également pour l’époque un régime alimentaire riche et varié et laissent penser également que le statut de ses habitants était élevé. Peu à peu, les archéologues sont arrivés à la conclusion qu’il existait une structure sociale avec deux groupes bien distincts ; les mineurs très pauvres et les fondeurs qui jouissaient d’une aura très importante et d’un niveau de vie bien supérieur. Le mur d’enceinte de la colline des esclaves ne servait donc pas à y maintenir prisonnier des mineurs, mais plus vraisemblablement à protéger des fondeurs.
Le statut des fondeurs
L’industrie du cuivre était la plus lucrative à cette époque et les fondeurs, qui possédaient la maitrise et le savoir-faire pour extraire le métal du minerai, bénéficiaient d’un rang élevé. L’activité technique s’accompagnait souvent d’une activité spirituelle qui était dévolue aux fondeurs. Ces derniers pratiquaient en effet des rituels qui étaient censés aider la production de cuivre. Des pierres plates rituelles ont ainsi été retrouvées à Timna pour ces pratiques. D’ailleurs, les historiens font remarquer que dans les sociétés traditionnelles actuelles en Afrique, les artisans qui fondent le fer sont souvent aussi considérés comme des prêtes.
Le cuivre, l’industrie la plus lucrative à cette époque

L’utilisation massive d’armes et d’outils nécessitait une production importante de cuivre qui prit alors une importance considérable. L’extraction des mines était suivie d’une opération de fonte pour séparer le cuivre de la roche. Le cuivre était chauffé à l’aide de charbon de bois à haute température (1000°C et plus) à l’aide d’un soufflage continu (apport d’oxygène). Une flamme bleue permettait de visualiser la bonne température. Des alliages de bronze (cuivre et étain) étaient alors produits pour la fabrication d’armes et d’outils en grand nombre grâce à des moules en pierre qui permettaient de couler plusieurs pièces « en série » avant leur rupture ou leur dégradation.
Des fondants au manganèse pour mieux extraire le cuivre

La fonte de la roche riche en cuivre produit des scories qui contiennent un pourcentage plus ou moins élevé en cuivre. La mesure de la teneur résiduelle en cuivre de ces scories permet d’évaluer, selon les archéologues, la technicité des fondeurs de l’époque qui tentaient alors de récupérer le maximum de cuivre, d’un prix de vente élevé. Alors que dans un passé plus lointain (13 000 avant notre ère), les scories comprenaient encore 2 % de cuivre, du temps du roi Salomon, le cuivre non récupéré des scories tomba à 0,22 %, preuve de la naissance d’une métallurgie beaucoup plus aboutie. Pour extraire le cuivre, les fondeurs ajoutaient des flux ou fondants afin d’une part de fluidifier les scories et d’autre part de diminuer la température de fusion et d’éviter l’oxydation. L’ajout d’oxyde de fer fut longtemps utilisé. A Timna, pour obtenir 1 kg de cuivre métal, il fallait ainsi environ 5 kg de minerai de cuivre, 50 kg de charbon et 20 kg de minerai de fer. Mais le manganèse succéda ensuite au fer pour augmenter le rendement de récupération. On sait aujourd’hui en effet que le manganèse est un fondant beaucoup plus efficace.
Les fondeurs, des sujets du roi Salomon ?

L’analyse de la coloration sur les fils des tissus des fondeurs retrouvés avec les scories a montré une teinte rouge, provenant de la racine de garance (produit importé de luxe). Les archéologues ont reconstitués des tissus avec une alternance de bandes rouges et bleues. Ces motifs sont représentés en particulier sur des hiéroglyphes égyptiens et ont été identifiés comme typique de l’habillement des tuniques des hommes du royaume d’Edom, au sud du royaume d’Israël du roi Salomon. Ce très important réseau minier n’aurait donc pas été exploité directement par le roi Salomon. Cependant, la nourriture retrouvée sur les sites miniers (en particulier sur la dite colline des esclaves) a été clairement importée de plusieurs centaines de kilomètres et provenaient en grande partie du royaume du roi Salomon. Les Edomites qui exploitaient les mines et extrayaient le cuivre faisaient donc du commerce sur de longues distances avec le royaume d’Israël et payaient sans doute en cuivre leur denrée et leur protection.
Les restes de mines, seule preuve de la société Edomite
« Dans la vallée de Timna, nous avons mis au jour une société sans aucun doute très puissante et très organisée » expliquent les archéologues. « Et pourtant, ce peuple vivait dans des tentes. S’ils n’avaient pas eu d’industrie métallurgique, jamais les archéologues n’auraient pu les découvrir ».
La vérité historique et le royaume de Salomon
Il est difficile de préciser si les récits bibliques où apparait le roi Salomon reflètent la réalité de l’époque (un roi plein de sagesse, une immense fortune) car les traces écrites sont rares et imprécises, les récits sont souvent posthumes de plusieurs siècles et l’histoire – qui se confond souvent avec les légendes – y est souvent enjolivée et déformée. Même si tout porte à croire qu’il ait réellement existé, aucun vestige archéologique direct n’est venue confirmer l’existence et l’emplacement précis du premier temple de Jérusalem et les zones supposés de son emplacement (actuel mont du Temple/Esplanade des Mosquées) rendent quasi impossible des fouilles. Si l’existence du roi David est prouvée pour les historiens, celle de son fils, le roi Salomon, n’est pas encore scientifiquement validée. Néanmoins, la présence d’un très important réseau de mines de cuivre est avérée dans la région de la vallée de Timna où le cuivre est d’ailleurs toujours exploité de nos jours.
Les mines du roi Salomon … selon les archéologues
Les dernières conclusions des archéologues laissent donc à penser que les mines du roi Salomon ont bien existées. Elles n’auraient cependant pas été des mines d’or ou d’argent mais plus prosaïquement des mines de cuivre, d’un très grand intérêt économique à l’époque. De plus, ces mines n’étaient pas directement sur le royaume du roi Salomon, mais sur le royaume d’Edom voisin. Le roi Salomon aurait donc commercé avec les édomites en réalisant dans doute du troc pour récupérer des quantités importantes de cuivre qui auraient enrichies son royaume, alimentant la légende.
Merci pour ce récit technico-historique passionnant!
Bonjour Eric et merci de votre intérêt marqué pour « l’archéologie métallique », domaine que nous trouvons, comme vous, très intéressant.
Bravo pour cet article et son contexte historique.
Il est fait mention d’une époque d’extraction du cuivre de -13 000 ans, soit si j’ai bien compris avant le néolithique.
Est-ce bien cela ? Un article précédent https://metalblog.ctif.com/2020/01/13/la-metallurgie-du-laiton-et-du-fer-au-neolithique/ citant les travaux de C.J. Thomsen présente l’extraction du cuivre comme remontant à -5000 ans.
Bonjour Denis et merci tout d’abord de votre intérêt pour notre article de MetalBlog sur le cuivre antique. Votre question souligne les délicats problèmes de datation. Les travaux de C.J. Thomsen datent de 1816 et sont donc à relativiser. On peut mentionner également le fait que le cuivre fut utilisé de manière très confidentielle avant même l’âge de cuivre. En fait, le cuivre coexista très longtemps pendant l´âge de pierre avec évidemment une utilisation beaucoup plus massive de la pierre. La notion d’âge (pierre , cuivre, fer) est facile à comprendre mais la réalité est sans doute beaucoup plus complexe avec de très fortes disparités régionales, des maîtrises peu abouties, des aller/retour, des pertes de compétences.
Bonjour, c’est avec grand intérêt que j’ai suivi votre article. merci,
Ce qui m’intéresse le plus , c’est le rôle du manganèse.
Est-ce qu’il y a d’autres articles sur ce sujet? (manganèse)
Bonjour Léa et merci tout d’abord pour votre intérêt pour notre article de MetalBlog. Pour l’instant, il n’y a pas d’article sur MetalBlog qui traite spécifiquement du manganèse.