
Acier micro-allié pour optimiser les propriétés mécaniques.
Les aciers micro-alliés dits également aciers « HLE » (Haute Limite d’Elasticité) ou « HSLA steels » (High Strength Low Alloyed) sont des aciers au carbone possédant des limites d’élasticité de 300 à 600 MPa, avec un allongement à rupture de 20 %. Outre le fait qu’ils sont – comme leur nom l’indique – faiblement alliés, leur intérêt est d’obtenir ces caractéristiques avec une faible teneur en carbone (< 0,1 %) ce qui les rend soudables sans précautions particulières et leur confère de bonnes tenues au choc, jusqu’à basse température (- 40 °C). Reproduire de telles caractéristiques en fonderie représente un vrai challenge.
L’effet du durcissement structural

Coulée d’acier à la poche avant traitement thermique (heureusement, le métallonaute n’est pas d’un naturel maladroit…).
Les aciers au carbone traditionnels acquièrent leurs propriétés par traitement thermique (trempe suivie d’un revenu), avec l’aide d’éléments d’alliage – chrome, nickel – introduits à des teneurs d’autant plus élevées que le niveau de résistance mécanique souhaité est lui-même élevé. Au contraire, les aciers micro-alliés acquièrent leurs propriétés par l’addition à doses « homéopathiques » d’éléments d’alliage produisant un durcissement structural. Ces éléments (le niobium, le vanadium, le molybdène ou le titane) forment des précipités de très petite taille en s’associant avec le carbone et l’azote dissous dans l’acier, produisant ainsi le durcissement et les bonnes caractéristiques mécaniques.
L’impact très bénéfique du laminage sur les propriétés mécaniques
Il est notoire que les aciers micro-alliés moulés présentent une résilience (plus précisément une énergie de rupture d’un barreau entaillé en flexion par choc, lors de l’essai Charpy) plus faible et surtout plus variable que les mêmes nuances d’aciers mis en œuvre par corroyage. Cette nette infériorité des aciers moulés par rapport aux aciers corroyés, tient essentiellement au fait que la déformation plastique de l’acier corroyé lors de sa mise en œuvre (laminage, forgeage…) joue un rôle considérable sur ses propriétés finales, en affinant la structure (par un processus de recristallisation) et en homogénéisant la composition.
A la recherche d’une résilience élevée (200 J à l’ambiante)

Mesure de l’énergie de rupture sur un mouton pendule (essai de flexion par choc sur éprouvette entaillée Charpy).
Sans déformation plastique, les propriétés des aciers moulés ne peuvent être optimisées qu’en jouant sur leur composition et les paramètres de traitement thermique. Les aciers micro-alliés ne sont représentés parmi les aciers moulés normalisés (norme EN 10293) que par une seule nuance, en l’occurrence l’acier G10 MnMoV 6-3. Les performances demandées restent modestes : pour une limite d’élasticité de 330 à 380 MPa et un allongement à rupture de 18 à 22 %, l’énergie de rupture est de 60 J à température ambiante et de 27 J à -20 °C. Dans le cas des aciers micro-alliés corroyés, des énergies de 200 J sont couramment obtenues à température ambiante.
Il est donc apparu opportun d’améliorer les propriétés à basse température des aciers micro-alliés moulés et de les fiabiliser. Les voies suivies sont celles de l’application du traitement thermique dit « intercritique » à la nuance normalisée G10 MnMoV 6-3 et à de nouvelles nuances d’aciers micro-alliés moulés.
Le traitement thermique intercritique

Comparaison entre un traitement thermique conventionnel et un traitement intercritique.
Le traitement thermique dit « intercritique », comprenant (après une homogénéisation et une austénitisation conventionnelles), un premier revenu dans le domaine de température du même nom (entre Ac1 et Ac3, dans le cas présent à 810 °C) suivi d’un second revenu à 620 °C, permet d’obtenir de bien meilleurs résultats qu’un revenu unique à 620 °C. Des énergies de rupture en flexion par choc (test de Charpy) de l’ordre de 120 J ont été obtenues à -40 °C dans le premier cas, contre 18 J seulement dans le second, les caractéristiques mécaniques de traction restant satisfaisantes. La microstructure obtenue est un mélange fin de ferrite et de martensite revenue.
Zirconium et bore comme éléments de micro-alliage
Deux éléments de micro-alliage (le bore et le zirconium) utilisés pour les aciers corroyés – mais pas pour les aciers moulés – ont tout d’abord été identifiés. Le zirconium est effectivement un élément susceptible d’agir comme élément de micro-alliage, en formant des précipités de nitrure et de carbure. La grande réactivité du bore vis-à-vis de l’azote en fait également un candidat intéressant en tant qu’élément de micro-alliage. Toutefois, le bore améliore considérablement la trempabilité des aciers. Son utilisation permet donc de cumuler les deux effets, trempabilité et micro-alliage, dans un même matériau.
Ces solutions de micro-alliage ont été testées sur la base de l’acier moulé G10 MnMoV 6-3, en particulier avec une teneur en carbone (0,12 %), en manganèse (1,25 %) et en silicium (0,4 %). Les éléments zirconium et bore ont été testés seuls ou en combinaison entre eux ou avec les autres éléments traditionnels de micro-alliage : niobium, molybdène et vanadium. La teneur en azote a également été prise en compte. Le traitement thermique appliqué est le même traitement intercritique décrit précédemment.
Parmi toutes les combinaisons testées, deux nuances faisant appel au zirconium (l’une avec cet élément utilisé seul avec une teneur élevée en azote, l’autre en association avec le niobium) permettent ainsi d’obtenir un niveau élevé d’énergie de rupture en flexion à basse température (- 40 °C) : 140 et 100 J respectivement. Toutefois, elles semblent assez délicates à élaborer de manière industrielle, en raison de leur sensibilité aux faibles variations de teneurs en zirconium et azote.
Niobium et bore : une énergie de rupture de 180 J à -40°C
Une troisième nuance, faisant appel au couple bore-niobium, semble au contraire particulièrement intéressante avec une énergie de rupture en flexion à -40 °C « record » de près de 180 J. Ce niveau est suffisamment haut pour en faire une solution industriellement robuste, grâce à une bonne marge de sécurité vis-à-vis des variations de processus d’élaboration et de composition, en particulier la présence d’éléments résiduels. Le processus d’élaboration développé est relativement simple : l’acier de base est élaboré de manière conventionnelle comme un acier non allié et les additions de micro-alliage sont réalisées après calmage, lors du dernier transvasement dans la poche de coulée, à l’aide de ferro-alliages.
Des applications basse et très basse température (-100°C)

Comparaison d’aciers sans traitement thermique intercritique et avec traitement intercritique.
Grâce à ces performances à basse température, cet acier micro-allié au bore et au niobium (qui fait l’objet d’un brevet) est à même – moyennant une adaptation de la température du second revenu – de remplacer des aciers bien plus alliés, du type G20 NiMoCr 4 ou GX10 Ni5, plus coûteux et demandant également des précautions lors de leur soudage.
Cet acier micro-allié peut trouver des applications dans les marchés de type pipe-line, pétrolier, ferroviaire et off-shore pour lesquels la résilience à basse température figurant dans la norme (27 J à -40 °C) est très délicate à obtenir avec les nuances de fonderie traditionnelles.
Bonjour, et bravo pour cet article, je vais pouvoir améliorer mes commentaires sur le passage des traitements thermiques ainsi que sur celui des éléments d’addition, dans le cours sur l’élaboration des alliages ferreux.
Bonjour Pascal. Nous sommes heureux que cet article puisse vous être utile. C’est l’objectif de MetalBlog que de diffuser des informations techniques qui permettent de mieux faire connaitre les multiples possibilités de la métallurgie.
Cool?
? Lucie et ? pour votre commentaire
bonsoir est ce qu’on peut faire un traitement de recristallisation (batch annealing hicon H2) pour les aciers HLE 300 -380
et il y a des cycles spécifique
Merci, article très bien fait ????
Bonjour Manuel et merci de votre avis très positif sur notre article sur les aciers micro-allies.
Je vous remercie de m’avoir appris bien des choses,
Combien (approx.) de fonderies en France moulent ces aciers micro-alliés avec TTH intercritique?
Combien coulent la nuance brevetée?
Merci!