
Fusion d'un alliage intermétallique fer-aluminium à la fonderie expérimentale de CTIF (le métallonaute, c'est lequel ???).
Si les alliages intermétalliques offrent un fort potentiel technique, en particulier pour les applications à température élevées, leur mise en œuvre est encore complexe et nécessite des procédés industriels haut de gamme (moulage cire perdue et fusion sous vide) ce qui limite fortement leur diffusion industrielle. Un alliage Fe3Al, élaboré avec un procédé de fonderie conventionnel a montré des performances à chaud très intéressantes.
Qu’est-ce qu’un intermétallique ?
Les intermétalliques sont avant tout des composés ordonnés et définis. Tout d’abord, ils sont dits « ordonnés » car les atomes qui les composent sont disposés de manière ordonnée dans la maille cristalline, contrairement aux alliages classiques dont les atomes sont placés aléatoirement. Puis ils sont dits « définis » car les proportions en solvant (fer par exemple) et en soluté (aluminium par exemple) correspondent à des conditions stoechiométriques, ce qui conduit à des formes telles que FeAl, Fe3Al ou FeAl2.
Les familles de nuances d’intermétalliques
Il existe aujourd’hui plusieurs milliers de nuances d’intermétallique (10 000 composés binaires et 500 000 composés ternaires). Cependant, une famille est plus étudiée que les autres, celle des aluminiures : aluminiures de Fer (FeAl, Fe3Al, FeAl3…), de Nickel (NiAl, Ni3Al, NiAl3…) et de Titane (TiAl, Ti3Al, TiAl3…). Les alliages intermétalliques se caractérisent par une très grande dureté, alliée à une fragilité marquée. Ces alliages ont également en commun une température de fusion élevée (1640 °C pour le NiAl et 1440 °C pour le TiAl) et surtout de bonnes propriétés mécaniques à hautes températures.

Diagramme d’équilibre de l’intermétallique Fe3Al.
Les aluminiures possèdent, en outre, des propriétés spécifiques dues à la présence d’aluminium. En particulier, ils présentent une bonne tenue à l’oxydation et à la corrosion. En effet, une couche d’alumine (Al2O3) se forme à leur surface et leur procure ainsi une protection efficace. De plus, ils ont une faible densité, souvent en deçà de 6 g.cm-3, ce qui leur confère un avantage décisif – pour des pièces embarquées et/ou tournant à grande vitesse – par rapport aux alliages habituellement utilisés pour des tenues à haute température, comme par exemple le superalliage base nickel NiFeCr17MoTiAl qui possède une densité plus élevée (8.2 g.cm-3).
Un Rp0.2 qui augmente avec la température

Comportement à chaud en fonction de la température – alliage traditionnel et alliage intermétallique Fe3Al.
Les alliages intermétalliques partagent une « anomalie » concernant leur limite d’élasticité (Rp0.2) qui s’élève avec la température et passe par un maximum au lieu de diminuer de manière continue comme pour la plupart des métaux et alliages. Cette anomalie de comportement, qui est due à la structure ordonnée des intermétalliques, apparait selon la taille des cristaux et de la vitesse de déformation. En effet, le phénomène de diffusion n’est pas assez rapide pour de grandes vitesses d’essais (2 000 s-1) lorsque l’on déforme l’alliage plus vite qu’il ne peut se réordonner. Ce comportement à chaud très particulier (Rp0.2 qui croît en même temps que la température d’utilisation) amène ainsi à choisir les alliages intermétalliques afin d’améliorer les performances des pièces très sollicitées. Ainsi, General Electric, en 2004, a réalisé les aubes du moteur GEnx en alliage intermétallique Ti-48Al-2Cr-2Nb.
Une transition ordre-désordre responsable des bonnes caractéristiques mécaniques à chaud
Un alliage ordonné comme celui de composition Fe3Al présente des transitions ordre-désordre lors de variations de température. A l’équilibre, à basse température, l’énergie d’interaction entre les atomes de Fe et Al est plus basse que celle entre deux atomes de même nature. Au-dessus d’une température critique nommée Tc, l’agitation thermique provoque un échange permanent d’atomes entre les sites et une disparition de l’ordre.
C’est essentiellement leur caractère ordonné qui est responsable de la fragilité des alliages intermétalliques. Le déplacement des dislocations qui assure la plasticité, est en effet plus difficile dans un matériau de structure ordonnée. Le glissement des plans cristallins lié au déplacement des dislocations rapproche en effet des atomes de même nature, d’énergie d’interaction élevée. Un état désordonné facilitera le glissement des plans cristallins contrairement à l’état ordonné. La transition ordre-désordre explique en partie les bonnes caractéristiques mécaniques à haute température.
Les freins à l’industrialisation

Micrographie d’un nouvel alliage intermétallique fer-aluminium Fe3Al pour des applications à haute température.
Cependant le principal frein à l’industrialisation des alliages intermétalliques est constitué par leurs mauvaises propriétés mécaniques à froid, leur quasi-inusinabilité et leur grande fragilité. Cette fragilité se traduit par une faible ténacité (capacité d’un matériau à résister à la propagation d’une fissure) et une faible ductilité (déformation plastique à rupture).
Le deuxième inconvénient des alliages intermétalliques est leur mise en œuvre délicate. Ces alliages sont en effet élaborés par forge (filage et forgeage ou forgeage isotherme), par fonderie (cire perdue) complétés par CIC (Compactage Isostatique à Chaud) et par métallurgie des poudres. Ces procédés coûteux limitent les intermétalliques à des applications de très haute gamme. De plus, ils ne permettent pas toujours d’atteindre la forme de pièce attendue du fait de leurs propres contraintes de conception. Enfin, en fonderie, la présence d’éléments oxydables (titane, aluminium) demande le recours à la fusion et la coulée sous vide.
Un potentiel intéressant
Sans ces contraintes de production, les intermétalliques pourraient représenter des concurrents sérieux pour les superalliages et certains aciers. En effet, ils sont plus économiques en prix matière et ont des propriétés mécaniques plus intéressantes (ou du même ordre de grandeur selon les nuances). C’est dans l’idée de réduire les coûts de production et donc de rendre les intermétalliques abordables pour des applications industrielles de type automobile que la faisabilité a été menée avec pour objectif de mettre au point un alliage intermétallique performant élaboré avec un procédé innovant adapté à une production industrielle en grande série.
Fe3Al moulé en sable Croning

Essai de traction à 600 °C d’un alliage intermétallique Fe3Al.
L’alliage sélectionné est le Fe3Al car il présente un bon compromis entre un coût matière réduit (par rapport aux superalliages) et des proprietés à chaud élevées. Les développements ont été menés avec le procédé de fonderie de moulage en sable Croning en substitution du moulage en cire perdue et en élaboration conventionnelle. Les performances obtenues à 600 °C sont très encourageantes en comportement statique. En effet, l’alliage Fe3Al apparaît comme très ductile à chaud, ce qui offre une marge de sécurité importante au niveau des déformations. En particulier, il possède à 600 °C un allongement 4 fois supérieur (103 %) à l’alliage NiCr20Co13Mo4TiAl (25 %) pour une contrainte identique. Des réarrangements cristallins sous l’effet de la déformation et la température ont été enregistrés, ce qui induit des anomalies en début de courbe de traction. Enfin, les performances de l’alliage Fe3Al demandent à être caractérisées plus finement.
Merci pour cet article très intéressant.
Savez vous quelles sont les industries en pointe sur l’utilisation des intermétalliques (hors le TiAl qui est déjà bien utilisé en aéronautique) et quelles sont les principales applications ?
Est ce qu’à votre connaissance les procédés de fabrication additive sont cohérents pour ces matériaux fragiles ?
Bonjour et merci pour votre commentaire. En l’état actuel de nos connaissances, il apparait que les alliages intermétalliques sont largement utilisés dans l’aéronautique (90 %) et dans l’automobile pour les pièces de turbocompresseurs de haut de gamme. N’hésitez pas à nous recontacter pour toutes informations complémentaires.
Merci pour votre retour.
Et concernant les procédés de fabrication additive, sont ils adaptés à ces matériaux ?
Rebonjour. Les intermétalliques Fe3Al et TiAl sont adaptés à la fabrication additive. Nous vous invitons à consulter cet article pour les TiAl : « A novel method to fabricate TiAl intermetallic alloy 3D parts using additive manufacturing » http://bit.ly/2CM5IxQ et cette thèse pour les Fe3Al : « Application of wire-arc additive manufacturing (WAAM) process in in-situ fabrication of iron aluminide structures » http://bit.ly/2moCU8b.
Il faut noter que les intermétalliques ne font pas partie des alliages dont des paramétries de machines d’impression 3D existent sur étagère. Cela reste encore très exploratoire. Nous sommes sollicités régulièrement pour élaborer des billettes d’alliages exotiques, dont des intermétalliques, qui après atomisation, permettent d’évaluer leur potentiel en fabrication additive.
It is very interesting job! Can share more detail about manufacturing process: what kind of equipment etc did you use for melting and/or special methods for mixing/keeping before casting? Sorry, my French is ugly I had use Google for translation.
Hi Ganna. Thank you for your comment. Regarding your question about the manufacturing process (the kind of equipment used for melting and/or special methods for mixing/keeping before casting) we let you know that these topics are currently studied in the framework of our research programm which is still confifential. Results will be published later on. Do not hesitate to contact us for any further questions.
Très bon travail de R&D d’une élève ingénieur ESFF (École Supérieure de Fonderie et de Forge) de 3eme année en apprentissage chez CTIF.
Oui, c’est en effet un très bon projet de R&D sur une idée et avec un encadrement de Gilles REGHEERE de CTIF. Ce projet se poursuit en 2018.
Bonjour, cet article est vraiment intéressant et je vous remercie infiniment pour le partage.
Bonjour je voudrais savoir si les alliages intermetalliques sont obtenus que par fonderie ??
Bonjour. Merci beaucoup pour votre commentaire. Les alliages intermétalliques ne sont pas obtenus que par fonderie, mais également par métallurgie des poudres, forgeage (à partir de lingots élaborés sous vide) et par fabrication additive (comme expliqué dans nos commentaires du 10 janvier 2018). Sachez que cette thématique de la mise en forme des alliages intermétalliques est un sujet qui fait l’objet d’une veille technologique assidue chez CTIF.
Merci pour les éclaircissements
Merci pour cette information et pour cet article très intéressant
Bonjour Badreddine et merci de votre intérêt marqué pour notre article sur l’alliage intermetallique Fe3Al.